Je me suis précipitée pour voir le nouveau film romantique avec Keira Knightley et j'ai été passablement déçue. Réalisé par Joe Wright, pourtant l'auteur du superbe Orgueil et Préjugés, il exprime cette fois-ci une originalité artistique très forte mais de vraies lacunes dans la composition du drame, de l'histoire, du jeu des acteurs...Quel gâchis!
Avant tout autre considération, pour Joe Wright, un film semble devoir être grandiose: c'est d'abord un spectacle, et du grand spectacle! En toute logique, le réalisateur place ses personnages dans un théâtre: le film suit avec une certaine grâce les personnages qui commencent sur la scène du théâtre, en coulisses ou dans le parterre, et qui poursuivent leur jeu dans un espace filmique propre, l'espace imaginaire qui donne vie et réalité à ce que l'on voit à l'écran. Si l'idée est jolie, la vue du théâtre me projetait malheureusement hors du film et de l'histoire, en me faisant prendre trop de distance!
La réalisation est néanmoins splendide: les scènes dansées ou très mouvementées, sont filmées avec brio comme si les plans dansaient eux-mêmes, avec un rythme judicieux. Ces petits bijoux auraient pu faire l'objet de court-métrages très réussis. Au cœur d'un film qui traîne en longueur, le décalage est trop fort.
Malaise tout à fait inédit pour moi: la mise en scène qui part d'un théâtre, d'un espace fermé, a fait naître en moi une espèce de claustrophobie cinématographique, une impression d'enfermement très dérangeante, comme si le film ne pouvait pas prendre son élan à l'extérieur, dans le monde, au soleil. Les seules moments où l'on en sort sont les scènes qui prennent place dans la campagne russe: les lumières y sont douces, tout semble serein, rien n'est surchargé, ni en gens, ni en apparats. Le contraste, parfaitement réalisé, m'a néanmoins mis trop mal à l'aise pour souhaiter en féliciter l'auteur. Le drame reste cloîtré sur scène, scène mondaine, chargée de pesanteurs, de jugements, d'idées courtes, à l'image de l'enfermement des héros, enfermement psychologique et social que nous ressentons pleinement.
Le film possède certes des qualités. Malheureusement, elles ne sont pas suffisantes. En effet, l'histoire ne prend pas. Et c'est tout de même très embêtant ! Le film est devient très ennuyeux: si certains acteurs s'en sortent grâce à leur talent, comme Keira Knightley et Jude Law, les autres ne sont pas toujours à la hauteur (sauvons aussi Alicia Vikander, la jolie Kitty). On ne croit pas à l'histoire d'amour entre Anna et le prince Vronski, la passion d'Anna semble hors de propos, incohérente, incompréhensible ; le prince est censé être également passionné ? Je n'en ai aucune idée...
Les sentiments semblent étouffés: l'impression d'enfermement a peut-être aussi déteint sur les personnages, jusqu'à les rendre fades et apathiques! Rien ne nous accroche à cette histoire. Les rebondissements sont plus des occasions pour le réalisateur de montrer son talent à manier images, rythme et musique que des moments palpitants qui approfondissent le drame. Il cherchait un prétexte pour faire un film, une histoire sur laquelle poser ses grands sabots... Pour la subtilité et la finesse des sentiments, il faudra repasser !
Anna Karenine, de Joe Wright, avec Keira Knightley, Jude Law et Aaron Taylor-Johnson, 2012